Il y a deux ans, le ministère annonçait aux lycéens élus au CNVL un « Acte 2 » de la vie lycéenne. Véritable révolution dans un système représentatif vieux de vingt ans, l’Acte 2 devait réformer en profondeur des instances incapables de fédérer les lycéens (41% de participation aux dernières élections CVL, et ignorance totale de l’existence du CAVL, CNVL par les élèves).
Une mesure oubliée ?
La commission pour un acte 2 de la vie lycéenne, composée uniquement d’adultes, avait pourtant tiré des conclusions lucides : dans un rapport d’observation l’été dernier, elle avait notamment souligné la disparité des situations selon les établissements et les instances. Les textes sont aujourd’hui peu respectés, et laissent peu de pouvoir aux conseils de lycéens pour espérer qu’un changement se produise indépendamment des adultes. Ces conclusions appelaient évidemment à une réelle considération pour nos instances et à un travail en profondeur sur celles-ci.
Et justement comme calendrier, les deux ans de mandature des élus (2012-2014) ont été choisis. Un rapport final et une présentation des mesures devaient être présentés à la rentrée de septembre 2014, on peut d’ailleurs le lire sur le site du ministère. La rentrée a eu lieu il y a une semaine et l’Acte 2 tarde à apparaître. Seule une circulaire est parue durant les vacances pour relancer les semaines de l’engagement et la consultation des lycéens, mais nullement pour résoudre les problèmes qui minent la démocratie lycéenne.
Les élus lycéens, notamment au CNVL, ont presque exclusivement travaillé sur la réforme de leurs instances, souvent en dépit des questions de fond (orientation, ECJS, égalité entre filières) écartées par un ordre du jour serré… Les mesures se doivent d’être à la hauteur de l’investissement qui a été effectué. Pourtant au fil des remaniements, des reports (la conférence de presse lycéenne pour annoncer les mesures de l’Acte 2 a été repoussée deux fois avant d’être annulée), l’Acte 2 semble avoir été écarté des priorités des autorités publiques.
Le SGL fait son Acte 2 de la vie lycéenne
Nous comptons sur cette réforme des instances lycéennes pour entamer une année de débats. Le SGL relance donc le ministère, en présentant de constats et de mesures à la hauteur de la « révolution » promise :
Il existe deux démocraties lycéennes
On parle souvent de la démocratie lycéenne, que l’on félicite pour ses projets et son activité. Mais en réalité, il demeure deux axes inégalement dotés en moyens d’action :
La démocratie « bisounours » : on peut désigner ainsi les usages qui sont faits de la démocratie lycéenne en tant que génératrice de projets ludiques et d’utilité publique reconnue. Aussi l’animation culturelle, la vente de croissants à la récré, la création d’un magazine, la réalisation d’une exposition contre le harcèlement, une récolte de nourriture pour la banque alimentaire, sont des projets qui sont généralement soutenus et soulignés par les équipes éducatives. Ils font consensus, et leurs thèmes apportent une dimension pédagogique et essentielle aux actions. La démocratie lycéenne est utile en cela, mais elle est souvent cantonnée à ce genre d’actions qui ne sauraient constituer l’essence et l’origine de la représentation lycéenne.
La représentation lycéenne ne se contente pas d’impulser des projets. Elle se sert de ceux-ci et de ses attributions pour débattre des conditions d’études des élèves afin d’obtenir un changement concret. Dans cette catégorie : une pétition présentée au CA pour changer les horaires de restauration, une motion rédigée au ministère pour demander une réforme de l’Accompagnement Personalisé, sont des actions qui caractérisent le but des instances lycéennes (canaliser et écouter les propositions des lycéens).
Ces deux démocraties lycéennes créent donc une situation disparate :
1 – Parfois, la démocratie lycéenne n’est pas développée. Les lycéens et/ou les équipes pédagogiques ne voient pas l’intérêt de ces instances.
2 – La démocratie lycéenne peut donner l’apparence d’être développée, à travers de nombreux projets de la « démocratie bisounours ». Mais en réalité, les instances se révèlent être la courroie de transmission des programmes et des activités pédagogiques, en oubliant la représentation un peu plus décoiffante…
3 – … une vraie démocratie lycéenne, qui sait certes impulser des projets humanitaires, en faveur de l’égalité, ou d’animation, mais qui sait aussi prendre du recul sur les conditions d’étude des lycéens et qui devient un acteur des prises de décision dans l’éducation nationale au même titre que les professeurs et les administrations.
Les équipes pédagogiques ont maintenant tendance à accepter la démocratie lycéenne en tant que source de projets. Pour autant, une démocratie lycéenne comme moyen d’expression et de représentation est souvent écarté : qui voudrait avoir sur le dos des instances lycéennes capables de prendre part aux décisions, voire de remettre celles-ci en question ? On parle alors souvent de consultation sur des sujets ciblés, mais le sens est toujours celui d’une écoute de l’institution et non d’une prise de parole des lycéens.
Or pour espérer remonter les chiffres de la participation, l’intérêt des lycéens, il faut aller plus loin que l’animation. Il faut donner aux lycéens les moyens de s’exprimer sur leurs conditions d’études. L’enjeu de la démocratie lycéenne est donc de combiner deux champs d’action dont l’un, souvent oublié et trop risqué, est plus difficile à mettre en œuvre.
Il faut renforcer et politiser la vie lycéenne !
Pour cela, le travail du ministère est essentiel mais ne suffira pas, c’est pourquoi nous distinguerons deux acteurs pour obtenir un réel Acte 2 de la vie lycéenne.
L’institution doit respecter ses engagements. Tout d’abord, nous attendons avec impatience l’Acte 2, nous aimerions par ailleurs y voir figurer des mesures concrètes sur le poids des lycéens dans les instances. Les élus lycéens ne sont aujourd’hui pas présents dans les CAEN, CDEN, et ont une représentation ridiculement réduite au CSE, il s’agit là d’un enjeu pour le ministère que de rééquilibrer l’importance des instances lycéennes au sein de l’éducation nationale. Mais au delà des textes, il faut conférer à ces instances une réelle importance, en mettant en place un climat d’écoute sincère : pas besoin de diriger des consultations, mais il faut simplement écouter les propositions des lycéens sur les sujets qui leur tiennent à coeur et qui les ont poussé à se présenter.
Les lycéens et leurs élus peuvent aussi être acteurs de ce changement, en prenant du recul sur leurs instances et en définissant leurs priorités. Si il n’est pas toujours facile de sortir du cadre établi par l’institution, définir soi même un ordre du jour et agir de manière indépendante pourra certainement payer pour l’ensemble de nos camarades.
En cette rentrée, nous attendons donc avec impatience l’Acte 2 de la vie lycéenne, qui semble avoir été mis de côté par les remaniements successifs. Cette réforme ne doit pas comporter de demi-mesures mais doit s’appuyer sur le travail de la commission pour un Acte 2 de la vie lycéenne, et doit permettre non seulement aux lycéens de réaliser des projets mais aussi de porter des revendications efficacement. Accepter que des élèves puissent participer aux débats, à tous les niveaux, c’est certes prendre un risque. Mais c’est aussi s’enrichir d’avis éclairés, et contribuer à une citoyenneté active au lycée.